OURANIENS (DIEUX)

OURANIENS (DIEUX)
OURANIENS (DIEUX)

OURANIENS DIEUX

Par ouranien, on entend ce qui appartient au ciel, à la voûte céleste, en tant que région privilégiée, espace par excellence de la manifestation du sacré. Il se pourrait même que ce soit la contemplation du firmament qui ait primitivement éveillé chez les hommes le sentiment religieux de la transcendance, comme en témoigne la quasi-universalité des croyances en un Être divin céleste, créateur de l’Univers, garant de la fécondité de la terre grâce aux pluies qu’il déverse, initiateur et gardien des lois, maître du tonnerre (sa voix) et de la foudre (son arme). Allant plus loin, certains (école ethnographique de Vienne, et notamment le père W. Schmidt dans Der Ursprung der Gottesidee , 12 vol., 1926-1955) ont cherché à démontrer l’existence d’un monothéisme originel.

Avec Mircea Eliade (Traité d’histoire des religions , 1964), on relèvera comme caractéristiques de la structure ouranienne quelques traits fondamentaux.

Le phénomène le plus marquant est l’effacement du culte des premières grandes divinités (êtres suprêmes des populations primitives ou grands dieux des premières civilisations historiques) au profit de forces religieuses ou de divinités plus concrètes, plus liées aux activités quotidiennes et à la vie des hommes (culte des ancêtres, esprits et dieux de la nature, démons de la fécondité, grandes déesses). Reste toutefois ouverte la question de savoir si la pauvreté cultuelle, telle qu’elle contraste avec la présence toujours vivante du dieu céleste dans le mythe, est le résultat d’un appauvrissement et d’une substitution progressifs ou si, au contraire, elle n’est pas originelle, inhérente au caractère immédiatement transcendant du ciel lui-même. Quoi qu’il en soit, ce qu’on peut remarquer ici, c’est, malgré des différences considérables entre les «formes» des dieux célestes, malgré des attributs qui ne se laissent pas tous et pas entièrement expliquer par le caractère ouranien, une parenté entre les différentes formations religieuses, si éloignées qu’elles soient les unes des autres dans l’espace et dans le temps, au niveau de l’explication théo-cosmogonique: ainsi dans la mythologie polynésienne aussi bien que dans la théogonie hésiodique, l’événement primordial est la séparation du Ciel (Rangi, Ouranos) et de la Terre (Papa, Gaïa), le culte de celui-là témoignant par sa pauvreté même de l’éloignement et de la transcendance du ciel par rapport à l’homme, qui ne vient d’ailleurs au jour, ne sort des entrailles de la Terre où le Ciel le tenait enfoui qu’au moment de la séparation (cf. le mythe d’Ouranos, qui enchaîne ses enfants, les maintient dans le corps de Gaïa, les précipite dans le Tartare, mais aussi de Varuna, qui envoie son fils dans le monde souterrain; cf. G. Dumézil, Ouranos-Varuna , Paris, 1934).

En certains cas, le dieu céleste retrouve une actualité en tant que dieu de l’atmosphère et de l’orage. Mais cette spécialisation est une limitation: il n’est plus le créateur omniscient et tout-puissant de l’Univers. Il est seulement le Mâle, le Fécondateur (sous la forme par exemple du Taureau), le partenaire de la Grande Déesse. C’est en réaction contre son culte, généralement opulent et sanglant, que se sont produites les révolutions religieuses de structure monothéiste, prophétique et messianique du monde sémite. C’est dans la lutte entre le Baal et Yahweh ou All h que s’est opéré un renouveau des valeurs «célestes» qualitatives (intériorité de la foi, prière) opposées aux valeurs terrestres quantitatives (abondance des sacrifices, importance du rituel).

Parfois, l’ubiquité, la sagesse et la passivité du dieu céleste sont revalorisées dans un sens métaphysique: le dieu devient l’épiphanie de la norme cosmique et de la loi morale (ainsi le Maori Iho); la personne divine s’efface devant l’idée, l’expérience religieuse fait place à la compréhension théorique.

Enfin, certains dieux célestes gardent leur actualité religieuse, la renforcent même souvent, en se révélant comme dieux souverains: tel est le cas du Zeus grec et du Jupiter latin, du Tian chinois, de Yahweh et de l’Iranien Ahura Mazda.

Ainsi on constate que, si les formes divines de structure ouranienne sont poussées à l’arrière-plan par l’histoire, le symbolisme céleste reste un caractère impersonnel intemporel et anhistorique qui se maintient dans tous les ensembles religieux. «Le symbolisme valorise et soutient toute «forme» religieuse, sans être épuisé par cette participation» (Eliade). Ajoutons que l’éloignement du Dieu, son indifférence aux hommes et le détournement ou la désaffection qui y répond chez les hommes font sans doute partie intégrante de ce symbolisme lui-même et de cette révélation.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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